Linky : La vérité sur ce service qui inquiète

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Les élus et les ménages s’organisent contre le déploiement des compteurs Linky, qui devrait toucher tous les ménages français en 2021. Ils craignent, entre autres choses, l’émergence d’un nouveau risque pour la santé. La peur des vagues n’est pas nouvelle ; la peur des nouvelles technologies est encore plus ancienne. Les deux se matérialisent dans des légendes urbaines bien connues, où les machines tuent parfois leur propriétaire par explosion de batterie ou cuisson lente. Mais, sur la question des vagues, ces légendes ont-ils leur part de vérité ?

Linky, le compteur qui communique sur Internet

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Linky, le compteur communicant Enedite. (photo : Eler 356, licence CC-BY)

Demander un matin pour ouvrir le « mec du compteur », se retrouver sans électricité pendant que le technicien intervient… Ces petits malheurs devraient avoir une fin, nous promet Enedis, filiale en charge de la gestion du réseau électrique français. Parce qu’avec Linky, le compteur intelligent que communique sur Internet, tout cela pourrait être fait à distance, et instantanément.

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Comment ? Merci au réseau électrique, sur lequel peut être construit un réseau d’information. Cette technologie, connue sous le nom de communication CPL (Online Carrier Current), est assez ancienne. Sur une base quotidienne, il permet à certaines boîtes Internet de communiquer avec un téléviseur. On le trouve également dans la domotique. La CPL permettra de transporter les informations stockées par Linky, telles que les enregistrements de consommation, vers le hub de quartier, avant d’être envoyées à un serveur informatique, via le réseau de téléphonie mobile. Linky n’est donc pas un émetteur d’ondes radio, même s’il induit un champ électromagnétique. En fait, ce champ est très petit :

Faible niveau d’onde

A une distance de 30 cm, le champ électromagnétique induit par Linky est inférieur à celui d’une plaque de cuisson, selon les analyses de laboratoire de l’Agence Nationale de Fréquence, responsable de la gestion et du contrôle de la mise en œuvre des émetteurs d’ondes radio en France. Le mesuré champ électrique est similaire à celui d’un vieux compteur ou de la télévision.

En dehors du laboratoire et dans les zones résidentielles, « les champs magnétiques [mesurés] sont plus élevés, principalement en face du compteur. Mais ils restent deux cents fois en dessous de la valeur limite réglementaire » note 60 millions de consommateurs.

Micro-ondes ou chemin de fer : l’introduction de nouvelles technologies dans la société est rarement sans crainte. Cela est démontré par les légendes urbaines qui les accompagnent. Les dangers supposés des vagues sont souvent représentés.

La peur des nouvelles technologies

« Les craintes associées à une nouvelle technologie semblent émerger à un moment particulier de la vie d’un nouveau produit : la phase exponentielle », souligne le sociologue Jean-Bruno Renard. Dans les années 1980 et 1990, de nombreuses légendes sur les fours à micro-ondes ont circulé, nous mettant en garde contre l’utilisation de cet objet quotidien.

Le plus célèbre est celui de cette grand-mère qui aurait séché son chien dans un four à micro-ondes. Cependant, ce n’est pas la seule légende en circulation. Un publié en 1998 dans le mystérieux Journal of Natural Science suggère que l’URSS a interdit le micro-ondes en 1976 pour protéger ses citoyens de ses effets. Une information encore prise aujourd’hui mais fausse, comme le montre Snopes, le plus ancien (et célèbre !) site de vérification des faits.

Téléphones portables et légendes urbaines

Il n’est pas recommandé d’utiliser le micro-ondes comme chauffe-tête note le pharmacien, le pharmacien et le blogueur scientifique : vous risquez de cuisiner votre cerveau ! Les ondes émises par les fours à micro-ondes, les téléphones portables et les lignes à haute tension sont des ondes non ionisantes. Contrairement aux ondes ionisantes, comme la radioactivité ou les rayons UV, elles ne peuvent pas casser les molécules à l’intérieur du corps. Ils peuvent cependant chauffer les tissus vivants. D’où l’apparition de canular comme ceci :

Des journalistes russes auraient réussi à cuisiner un œuf avec un téléphone cellulaire. Plus récemment, des vidéos virales ont présenté pop-corn obtenu par activation simultanée de quelques mobiles.

Les vagues peuvent chauffer efficacement les tissus vivants. Cependant, un téléphone mobile n’est pas assez puissant pour faire du pop-corn (ou pour atteindre un niveau de chaleur considéré dangereux pour le cerveau, à moins de scotching 50 cellules autour de la note de tête, toujours, le Pharmachien). Cependant, nous croyons en ces vidéos parce qu’elles sont dans le sens de notre intuition : les téléphones mobiles sont dangereux. Ils sont également basés sur un effet réel (celui de chauffer les tissus vivants) que le récit « légendaire » prend en charge d’amplifier à l’extrême.

Une autre croyance sur les téléphones mobiles a la peau dure. Il montre aussi la puissance de feu de nos mobiles (c’est le cas !)

:

  • [ Légende] Téléphone dans les stations-service

Station service avec pictogramme d’interdiction de téléphonie mobile

Appeler près d’une station-service est fortement déconseillé. Avez-vous déjà remarqué ces autocollants : « Éteignez votre téléphone portable » dans les stations ? Les téléphones pourraient provoquer efficacement des étincelles qui pourraient déclencher une explosion en contact avec l’essence.

Selon Aurore Van de Winkel, docteur en sciences de l’information et auteur des Urban Legends of Belgium, aucune explosion liée à l’utilisation d’un téléphone portable dans une station n’a été enregistrée. Cependant, des cas d’incendie déclenchés par l’électricité statique corporelle ont été observés. Les téléphones cellulaires ont été blâmés par erreur pour ces accidents.

Dans le doute, des entreprises comme Shell et le gouvernement belge perpétuent encore les messages d’avertissement. « Dans un environnement de plus en plus hanté par la sécurité, toute tentative de minimiser tout danger est irresponsable », souligne le professeur Adam Burgess de l’Université de Kent, dans un article sur le sujet.

Vagues et santé Jusqu’ à preuve du contraire, les vagues ne posent aucun risque pour la santé, au niveau auquel nous sommes exposés quotidiennement, c’est-à-dire à des niveaux qui sont des centaines ou des milliers de fois inférieurs aux normes de sécurité. L’OMS a, bien sûr, classé électromagnétique comme possiblement cancérogène (2B) pour les humains (comme le café, ou certaines activités professionnelles, comme la menuiserie). Mais cette catégorie comprend en fait les agents pour lesquels les données sont insuffisantes ou limitées pour établir la cancérogénicité chez l’homme.

Dans le cas des ondes cellulaires, « il n’a jamais été établi que le téléphone portable peut causer un effet nocif sur la santé », note l’OMS. Toutefois, l’Organisation reste prudente, « l’augmentation de l’utilisation des téléphones mobiles et le manque de données sur l’utilisation des téléphones mobiles sur une période de 15 ans justifient de nouvelles recherches sur l’utilisation des téléphones mobiles et les risques de cancer du cerveau ». D’où la classification des ondes comme « potentiellement cancérigènes », une position prudente, en l’absence de preuves, s’est transformée en aveux alarmistes par des anti-ondes et certains médias.

Électrosensibilité, le mal du siècle ?

Pourtant, les médias parlent régulièrement, et parfois sans beaucoup de recul, de « l’électrosensibilité ». Une proportion croissante de la population développerait une hypersensibilité aux vagues, provoquant divers problèmes de santé : maux de tête, étourdissements, éruptions cutanées… etc.

De nombreuses études ont examiné le phénomène. Jérôme Bellayer, collaborateur du laboratoire de zétisme de l’Université de Côte d’Azur, propose une revue exhaustive en Electrosensibles (livre-e-book, coll. « Une chandelle dans les obscurèbres », 2016).

Il a constaté que la symptomatologie des électrosensibilités variait considérablement d’une population à l’autre. Un symptôme ressenti par la majorité des participants à une étude (par exemple, des maux de tête) peut être trouvé chez seulement un cinquième des participants d’une autre étude.

Deuxièmement, lorsqu’ils sont exposés aux aveugles, les scientifiques n’ont pas trouvé de corrélation entre l’exposition aux ondes et l’apparition de symptômes chez les personnes dites électro-sensibles. Une personne électrosensible peut se trouver dans l’inconfort lorsqu’elle pense être exposée aux ondes, même si aucun émetteur n’est allumé… Ou vice versa, se sentir en sécurité en présence d’un émetteur caché ! Leur capacité de prédiction n’est pas supérieure au hasard. Cependant, les protocoles tiennent compte, dans des études plus récentes, des critiques formulées par les anti-ondes aux scientifiques (durée de l’exposition, fréquence des vagues, etc.).

Discours médiatique globalement négatif

L’ origine psychologique des symptômes de l’électrosensibilité est plus probable. Jérôme Bellayer souligne le rôle des médias dans le développement de ce phénomène. Le discours médiatique est généralement négatif sur les ondes. Il accrédite la thèse anti-onde sur l’origine de l’électrosensibilité.

Cependant, ce discours a un impact réel, particulièrement fort chez les personnes anxieuses. Une étude a montré, par exemple, que les personnes qui ont regardé un documentaire sur les dangers du WiFi avant l’exposition factice aux ondes étaient plus susceptibles de signaler des symptômes et d’attribuer ces symptômes à une électrosensibilité.

Malgré une origine psychologique probable de l’électrosensibilité, la souffrance de personnes électrosensibles ne peuvent pas être niées. À ce jour, seules les thérapies cognitives et comportementales (TCC) fournies par les psychologues semblent apporter des avantages à leur degré de souffrance. Pour ce problème particulier, ils ne sont qu’en état de recherche, note Jérôme Bellayer. Il y a actuellement un vide dans le traitement, qui alimente le clivage existant sur l’origine de l’électrosensibilité selon ce zéticien.

L’activité florissante des dispositifs anti-ondes

Ce vide alimente également une entreprise florissante, par l’intermédiaire de revendeurs spécialisés à des prix souvent exorbitants, ou de « gadgets » vendus sur Amazon. Ces produits sont, pour la plupart, inefficaces et peuvent même avoir l’effet inverse. Cette nouvelle forme de charlatanisme a été plusieurs fois épinglée par la répression de la fraude.

Produit le plus populaire du concessionnaire qui vient en premier à la recherche de « protection anti-ondes » sur Google.

Boxers, autocollants, chemisiers… Une simple recherche sur Google Shopping donne un aperçu du marché florissant de la protection contre les ondes électromagnétiques… Avec des « gadgets » souvent inefficaces !

Linky : une installation forcée qui va mal

Les nouvelles technologies suscitent des craintes dans leur phase exponentielle, comme nous l’avons vu.

Cependant, contrairement aux innovations telles que les téléphones mobiles ou les micro-ondes, l’utilisation de Linky et son installation dans les maisons privées est imposée par Enediss. Une intrusion qui va mal, à une époque marquée par une méfiance envers les citoyens face aux institutions et aux grandes entreprises.

Au-delà des craintes concernant les dangers des ondes, Linky soulève également des préoccupations importantes et justifiées en matière de protection de la vie privée.

[ Canular] « Œil de Linky »

Cette peur s’est matérialisée par un canular pris au sérieux par de nombreux internautes et des sites d’information « alternatifs » : Linky serait équipé d’une caméra d’espionnage destinée à espionner les maisons françaises. L’association de consommateurs UFC Qu Choisir a, par sa propre confession, a reçu de nombreuses demandes de patchs, de petits autocollants permettant d’obstruer une caméra, qui est dit être caché dans le compteur ! Le malentendu vient d’une petite diode sur la façade de Linky qui ressemble à une webcam intégrée dans les photos, comme on peut le trouver sur les ordinateurs portables.

Selon la CNIL, la courbe de charge mesurée par Linky vous permet d’avoir des informations précises sur les heures de levage et de coucher des habitants d’un logement, leur nombre, leurs absences ou leur utilisation d’eau chaude. Toutefois, la Commission a formulé des recommandations qui devraient éviter les abus de la part des fournisseurs d’électricité.

La courbe de charge stockée par Linky ne sera transmise à l’opérateur réseau qu’avec l’autorisation de l’utilisateur. Ce dernier peut également décider d’empêcher tout stockage de cette courbe par le compteur.

Les citoyens gardés hors du chemin Il serait réducteur d’associer le mouvement anti-linky à une simple peur des ondes électromagnétiques. Linky est également préoccupé par le coût que son déploiement générera, pour des avantages qui n’ont pas encore été prouvés. Selon l’ADEME, Linky pourrait permettre une meilleure intégration des sources d’énergie renouvelables dans le réseau électrique. Mais peu de choses sont faites pour le consommateur, de sorte que les données de Linky peuvent transformer Linky en un véritable joueur de consommateur. Un manque d’implication qui alimente, peut-être encore plus, la méfiance des citoyens ?

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Sources

Hoax-Buster, Snopes.com et Hoax-Slayer.

L’ ADEME. The Linky Meter : avantages pour l’environnement, les consommateurs et les collectivités [lire en PDF]. Juillet 2015.

ANFR. Rapport technique sur les niveaux de champs électromagnétiques créés par Linky mètres [lire en Pdf]. 2016.

CNIL. Délibération n° 2012-404 du 15 novembre 2012 sur la recommandation relative au traitement des données de consommation détaillée recueillies par les compteurs communicants.

OMS. Aide mémoire n°193, Champs électromagnétiques et santé publique : téléphones portables. Octobre 2014.

Adam Burgess. « Téléphones portables et stations-service. Rumor, Risk and Precartion », Diogènes, vol. 213, no 1, 2006, p. 153-173.

Witthoft. M. et Rubin. G. J., « Les mises en garde des médias concernant les effets néfastes de la vie moderne peuvent-elles s’épanouir ? Étude expérimentale sur l’intolérance idiopathique environnementale attribuée aux champs électromagnétiques (IEI-EMF). », Journal of psychosomatic research, 2013, vol. 74, no 3, pp. 206-212.

Erwan Seznec. Dispositifs anti-ondes : la répression de la fraude punit. Quoi choisir, mai 2016.

« Compteurs intelligents, ondes dangereuses et électrophobie ». The Pharmachien, février 2016.

« Compteur Linky et données personnelles ». Conso.net, mai 2017.

« Linky, brouillard persistant autour du nouveau compteur électrique ». 60 millions de consommateurs, février 2017.

Livres

Jérôme Bellayer. Électrosensible : vivons-nous les débuts d’une catastrophe sanitaire ? Coll. Une bougie dans l’obscurité, Book-e-Book, 2016.

Jean-Bruno Renard. Rumeurs et légendes urbaines. Coll. Qu’est-ce que je sais ? PUF, 2013.

« Les explosions des stations-service » dans Aurore Van de Winkel, The Urban Legends of Belgium, p. 208-213. Avant-propos, 2017.

Pour aller plus loin , vous pouvez également lire notre interview de Florian Gouthière, journaliste scientifique, qui discute de la question des vagues.

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